L’émission MINUTE DE L’EXPERT de cette semaine a reçu pour vous M. Ulrich ADOUNSIBA Cadre de banque et gestionnaire portefeuille PME.
Nous vous proposons ici un condensé de l’entretien.
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Mesdames et messieurs, chers Leaders et membres du réseau alloconsultant Bonsoir. Merci de prendre le rendez-vous. Aujourd’hui , nous avons au Bénin une vingtaine de banques qui dégagent régulièrement un surplus de liquidité et dans le même temps, seulement moins de 20% des petites et moyennes entreprises bénéficient d’un financement bancaire. Les banques refusent elles de financer les PME ? Sont-elles des médecins qui s’occupent seulement des patients déjà en bonne santé ? ou les promoteurs de PME ne maîtrisent ils pas les techniques de négociation de financement bancaire ? Pour en débattre, nous recevons pour vous ce soir, M. ADOUNSIBA Ulrich. Il est cadre de banque et expert dans le réseau alloconsultant. Bonsoir M. ADOUNSIBA et merci pour votre disponibilité.
Bonsoir M. Le journaliste. C’est moi qui vous remercie pour l’invitation
Merci de vous présenter aux amis qui nous suivent
Comme présenté, je me nomme Ulrich ADOUNSIBA. je suis cadre de Banque, spécialisé dans le financement des entreprises plus spécifiquement des PME. MERCI
Très bien. En qualité de banquier bon teint, comment appréciez vous le financement bancaire des entreprises au Bénin ?
Le financement bancaire des entreprises au BENIN, répond à plusieurs critères de prise de risque et d’appétence au risque par chaque banque. Chaque banque élabore ce que nous appelons les critères d’acceptation de risque par lesquels, elles font passer les dossiers de financement. Le crédit est accordé si le dossier de financement satisfait aux critères minimum tel que prévus par leur politique de crédit.
Ce qu’il faut retenir est que le point essentiel de tout critère est la maîtrise de la source de remboursement du crédit et par ricochet la maîtrise du cycle de conversion du cash par l’entreprise qui sollicite le concours.
Avant d’en arriver aux critères de choix des dossiers de financement, dites nous M. ADOUNSIBA, est ce que les entreprises notamment les PME sont bien financées au Benin ?
C’est une véritable problématique qui est soulevée. C’est pourquoi diverses politiques sont actuellement mise en oeuvre pour améliorer l’accessibilité des PME au financement bancaire.
Comment les banques définissent elles les PME ?
Il existe plusieurs approches de définition des PME. il faut simplement retenir qu’une PME, entendez Petite et Moyenne Entreprise, est une entreprise dont la taille, définie à partir d’un nombre d’employés, du chiffres d’affaires annuel, ne dépasse pas certaines limites.
Quel que soit du secteur du négoce, des prestations de services, des BTP, de l’artisanat ou de l’agriculture, elle doit être régulièrement immatriculée au rccm selon les différents statuts juridiques qui existent (SARL, SA, SNC, ETS etc..) avec un effectif de moins de 200 personnes pour un CA de moins de 1 milliard pour les moyennes entreprises et un effectif de moins de 50 personnes et un CA de moins de 150 millions pour les petites entreprises.
Les PME constituent alors un réservoir d’emplois pour les jeunes, donc un instrument de lutte contre le chômage et la pauvreté. Malgré ce rôle qu’on leur connaît, elles sont confrontées au problème de financement. Comment expliquez-vous cette problématique que vous avez soulevée supra?
D’abord, cela résulte de la nature même des PME qui présente beaucoup de faiblesses notamment une centralisation et une personnalisation de la gestion autour du promoteur ou de la personne clé, une faible formalisation, une comptabilité peu fiable avec un manque de transparence dans la gestion. Une maîtrise approximative du secteur d’activité, un manque de garantie immobilière. Les difficultés d’accès au financement résultent également d’une absence de politique sérieuse de financement par les gouvernants. Les banques commerciales dans leur souci de rentabilité et respect des ratios prudentiels ont des difficultés à ouvrir les vannes du crédit au PME.
Les banques préfèrent financer les grandes entreprises qui sont déjà financièrement assises au détriment des PME qui présenteraient trop de risques à leurs égards alors que ces derniers représentent 80% du secteur privé. Votre avis.
Oui, financer les PME s’avère risqué pour les banques au regard des impondérables cités tantôt. Les PME en plus de leurs faiblesses, elles génèrent un coût de suivi élevé pour une faible rentabilité pour la banque et également un coût de risque élevé en ce sens qu’elle génère beaucoup d’impayés qui impactent négativement les fonds propres des banques avec un fort taux de provision.
Au delà de la mise en place du crédit, beaucoup pensent que le banquier doit jouer un rôle de conseiller d’entreprises et d’accompagnement technique de leurs clients notamment les PME. Comment les banques envisagent optimiser le portefeuille PME pour en faire une véritable niche d’opportunités et de rentabilité de leurs affaires ?
Il faut que les chargés de clientèles expérimentés jouent déjà ce rôle. D’ailleurs leur nom l’indique, ce sont des conseillers clientèles. Mais à part les conseils des gestionnaires de portefeuilles, il manque un cadre global formel à l’échelle des banques pour apporter des services financiers non marchands aux PME. Les Systèmes Financiers Décentralisés ou les institutions de micro crédit et certains fonds de garantie et ONG internationales comme la SNV et la GIZ prennent en charge ce volet dans leur accompagnement.
Les PME ont besoin de coaching, d’un suivi technique rapproché pour assurer la pérennité de leurs affaires et honorer valablement leurs engagements. Pourquoi les banques n’intègrent pas dans leurs structures une approche d’accompagnement en services non financiers aux PME ? N’ont elles pas les moyens ?
Il faut dire que les banques intégrent de plus en plus cette approche surtout avec les exigences des fonds de garantie qui nouent des contrats de partenariat. Bien sûr, le conseil était limité à ce que le conseiller clientèle pouvait faire avec tout les risques de connivence et de conflit d’intérêts.
Vous êtes gestionnaire de portefeuille PME dans une grande banque de la place. Comment un promoteur de PME peut-il constituer un bon dossier de financement bancaire ?
Il faut déjà une entrée en relation avec la banque pour un minimum de 3 mois afin d’apprécier le minimum de flux de trésorerie sauf pour les projets d’investissement.
En cas de financement du besoin en fonds de roulement, il faut les informations sur l’activité et l’expérience de la relation dans le secteur d’activité, ses plus gros fournisseurs et clients qui impactent significativement son chiffre d’affaires, ses états financiers des 3 dernières années pour apprécier le niveau d’activité et la structure financière de l’entreprise. L’inventaire de ses stocks, un point de son niveau d’endettement et surtout la description de la transaction à financer.
Quelles sont les garanties demandées et souvent produites par les PME pour obtenir le financement ?
Comme les banquiers ont l’habitude de le dire, ce n’est pas la garantie qui fait le crédit . Mais elle sert de moyens coercitifs en cas de non remboursement du crédit. Les garanties souvent demandées sont les garanties dites éligibles à la pondération des risques pour les banques. Notamment l’inscription hypothècaire, les DATS, les garanties à première demande d’une banque ou dun fonds de garantie éligible , les cautionnement solidaires etc…
La vraie garantie c’est la source de financement n’est ce pas ? Le plan d’affaires est il obligatoire dans la constitution d’un dossier de financement PME ?
Oui la vraie garantie c’est l’activité de l’entreprise, objet de financement, c’est la maîtrise de la source de remboursement du crédit, c’est la maîtrise du cycle de conversion du cash octroyé.
Le plan d’affaires est nécessaire et surtout obligatoire quand il s’agit du financement d’un dossier d’investissement. Et dans ce cas, en plus de la justification économique du projet d’investissement, il faut un compte d’exploitation prévisionnel sur tout au moins la durée du concours sollicité. Dans ce cas, ce sont les cash flows déterminés qui servent d’éléments d’appréciation de la capacité de remboursement du crédit.
Vous parliez en début d’émission des critères d’éligibilité. Comment le banquier analyse le dossier de financement d’une PME , et à quelles conditions le crédit est souvent débloqué ?
Prenons par exemple le financement d’une opération achat et vente de marchandises. En plus des informations sur l’activité et son expérience pour mitiger le risque de marché, le niveau des flux confiés à la banque, le niveau de l’activité indiqué par l’évolution du chiffres d’affaires, la qualité de structure financière à travers les ratios de décision et d’observation de la BCEAO qui permettent d’apprécier la solvabilité, la rentabilité, la capacité de remboursement, l’équilibre financier, la vitesse de rotation du stock. À cela s’ajoute le point des stocks à date afin d’apprécier la contrepartie financière. Si l’expérience de la relation est convaincante, si les ratios sont conformes au normes et si la transaction en elle à financer est transparente, rentable et facile à rembourser, le dossier peut obtenir l’accord de crédit. La garantie à donner sera donc accessoire pour compléter la couverture du risque.
Si je comprends bien, la garantie matérielle n’est pas un obstacle mais cela vient juste compléter la couverture de risque. Comment le promoteur PME doit il négocier son financement et convaincre le banquier en ce qui concerne le montant, la durée, le taux, le différé etc.. ?
Le montant est déterminé par rapport au besoin de financement mais surtout par rapport à sa capacité de remboursement sur la durée du crédit. La durée est donc liée à la capacité de remboursement, c’est à dire à la charge périodique de remboursement supportable par l’activité. Bien sûr, le financement du fonds de roulement ne doit pas dépasser 24 mois.
Le taux ne peut pas dépasser le taux d’usure qui est de 15% pour les banques en tenant compte du taux effectif global qui se calcule avec l’ensemble des charges liées au crédit et supportées par le client. Plus la durée est longue plus le taux d’intérêt est élevé à cause de l’incertitude que représente le futur.
Le différé est déterminé pour tenir compte soit de la période où le crédit commence par être utilisé en cas de déblocage successif, soit pour tenir compte de la durée d’exécution du projet d’investissement avant sa mise en service pour générer le cash flow.
Quels conseils avez vous à donner aux promoteurs de PME qui nous suivent ?
La rigueur dans la gestion quotidienne de son affaire,
une implication personnelle et totale dans son affaire.
Un apport personnel conséquent pour matérialiser son implication.
Professionnaliser la gestion de son entreprise.
Tenir une comptabilité régulière et fiable mais si cela est sommaire.
Concevoir des projets fiables à financer et enfin disposer d’une garantie éligible qu’elle soit immobilière ou d’un fonds de garantie.
Une question indiscrète: En votre qualité de gestionnaire de portefeuille PME, combien de dossiers avez vous financé cette année, quel est en moyenne le montant octroyé et quels sont les secteurs financés?
Cette année, je suis affecté à la direction des risques pour apprécier et filtrer les dossiers de crédit soumis par les gestionnaires pour financement. Mais par le passé j’ai financé entre 15 à 20 dossiers PME par mois.
Les secteurs dominants était le BTP et les prestations de services et le négoce (tous secteurs confondus à savoir les produits congelés, le secteur des produits alimentaires riz huiles sucres, le secteur des produits tropicaux etc..)
Qu’avez vous d’autres à expliquer aux promoteurs de PME ou quel appel voulez vous lancer à leur endroit?
Je voudrais leur expliquer que le comportement des banques à leur égard est dû dans un premier temps à leur réputation qu’ils doivent améliorer, dans un second temps aux contraintes d’ordre réglementaire. Alors une PME qui a la chance d’être accompagnée par la banque doit prendre au sérieux la relation bancaire et tout faire pour honorer sa solvabilité car c’est ainsi qu’elle donnera la chance à d’autres PME comme elle.
Aussi, faut-il toujours avoir plusieurs cordes à son arc afin de jouer la corde qui cadre avec le besoin de financement qui se présente pour le développement de son entreprise.
Nous tendons vers la fin de l’émission, Que pensez vous du réseau alloconsultant ? Votre mot de la fin
Allôconsultant est une opportunité pour la diffusion de la culture entreprenariale dans notre pays. Les missions de formation de coaching, de développement personnel, de financement d’entreprises sont autant d’opportunités à destination des membres de ce réseau pour doper leur esprit entrepreneurial. C’est une aubaine et c’est une initiative salutaire. C’est pourquoi je voudrais inviter les entrepreneurs à s’inscrire massivement à la formation des Business Development Leaders lancée pour le compte de cette année par le Réseau dont le premier module est prévu pour le 7 juillet prochain je crois.
Mesdames et messieurs terminus tout le monde descend. Nous sommes à la fin de l’émission. Vous avez compris, le banquier n’est pas un juge qui cherche à faire votre procès, il est aussi un commerçant qui vend un produit particulier, l’argent. Sans le prêt aucune banque ne peut survivre. Il revient donc aux promoteurs de PME de se préparer, de se faire accompagner par des spécialistes accès au financement pour mieux optimiser leur chance d’accéder au crédit bancaire. C’est le premier pas qui est difficile et alloconsultant est votre meilleur partenaire dans ce sens. Pour finir, je rappelle que notre invité est aussi entrepreneur car il a récemment mis sur le marché une application pour les établissements scolaires. Merci de nous avoir suivi, merci beaucoup M. ADOUNSIBA et bon retour chez vous.